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11 octobre 2017

Irma, Maria… et Arnold.

Il y a de ces évènements dans la vie qu’on ne peut passer sous silence. Des moments uniques et troublants qui affectent notre perception de cette dernière, et changent même le cour de l’histoire. Tout comme les ouragans Irma et Maria qui ont détruit complètement certaines villes des Caraïbes cet automne; des manifestations de la nature si impressionnantes qu’elles nous subjuguent, suscitent en nous la plus grande peur, et à la fois une fascinante admiration devant une telle puissance. Des forces si grandes qu’on leur donne un nom, pour les honorer, ou peut-être seulement pour moins les craindre... Une chose est sure, elles deviennent une entité qui inspire le respect, et non seulement un évènement singulier qui tombera dans l’oubli. J’ai justement vécu l’un de ces moments il y a quelques jours, et je me devais de vous en parler, ce que j’ai choisi de faire ici. Alors que j’étais seul dans une pièce de la maison, un incident imprévu dans ma journée allait tout changer : J’ai eu un gaz. Un gaz terrible. Et vulnérable devant sa grande puissance, je n’ai eu d’autre choix que de lui donner un nom; je l’ai nommé Arnold.

C’était phénoménal, renversant… Le genre de gaz silencieux qui devrait rester tout discret, passer incognito, mais qui fait lever la peinture sur les murs. Un pet qui semblait venir des entrailles de la terre, de ses plus sombres abysses. De quoi réveiller les morts. C’était si fort comme odeur que j’ai carrément figé sur place. J’ai fendu en deux… J’ai cassé. On aurait dit un mélange d’éther, de dissolvant à peinture, et d’œuf pourri. Très rapidement, l’oxygène s’est fait très rare dans la pièce. Ma bouche s’est asséchée. Respirer devenait difficile. La qualité de l’air est devenue si mauvaise que Météomédia a failli émettre une alerte. Je crois même que mes semelles ont légèrement fondu. Pendant cet instant, je n’existais plus.  Je crois que je mon âme a quitté mon corps quelques secondes, pour aller prendre de l’air plus loin.

Une puissance comme ça, ça ne s’invente pas. Et rien ne peut se mettre en travers de son chemin. On ne peut que vivre le moment, l’accepter malgré soi, et le contempler. Si Staline, Hitler et Mao Zedong avaient été dans la pièce à ce même moment, ils se seraient levés et auraient applaudi à tout rompre devant autant de cruauté, une larme à l’œil. Si on dit que le battement d’ailes d’un papillon peut provoquer un ouragan à des milliers de kilomètres, et bien y’a dû se produire quelque chose de vraiment terrible quelque part dans le monde suite au passage d’Arnold... Pendant un moment, j’ai cru que j’avais maitrisé la Force, celle du côté obscure évidemment… J’ai d’ailleurs reçu un courriel du Diable qui ne disait que deux mots : Respect éternel!


Je suis, depuis, un homme différent. Cette manifestation de la puissance des ténèbres m’a bouleversé. J’ai regardé la mort dans les yeux, et j’ai dû continuer d’avancer. J’affronte maintenant mon destin comme un seul homme, car je sais maintenant qu’il y a en moi une grande force qui dort… et qui s’appelle Arnold.


#arnold #irma #maria

23 septembre 2016

Les toilettes

Je voulais vous entretenir aujourd’hui d’un sujet un tantinet délicat qui me turlupine mais qui fait pourtant partie de la vie courante, et je parle ici du comportement humain à la salle de bain, en portant notre attention sur la fameuse salle de bain au travail. Chacun vit sa relation avec les toilettes de façon différente, et comme vous vous en doutez, la mienne est bien personnelle.

Avant même d’entrer aux toilettes, il peut déjà y avoir un malaise au moment de pousser la porte. Trop souvent tu la pousses pour entrer au même instant que quelqu’un la tire de son bord, ce qui fait que l’un des deux force dans le vide et mange presque la porte dans le front. Chaque fois, peu importe du bord duquel je me trouve, j’ai l’impression de pas savoir quoi dire entre « oups! », « oupelaye! » ou « hé la la… », avec un sourire niaiseux, qui ressemble d’ailleurs au même qu’on a en croisant quelqu’un qui marche vers soi et qui à deux reprises ou plus se tasse du même côté. Je crois d’ailleurs que le mieux serait d’installer des portes western qui grincent, ça éviterait les accidents, pis ça donnerait un petit cachet…

Pour certains, aller aux toilettes c’est comme aller jouer aux quilles; c’est une activité plate qui devient une bonne occasion de faire du social pour se désennuyer. Ça te jase de tout et de rien, du dernier meeting, de leur char, ou d’une vidéo drôle sur Facebook. Moi, c’est pas trop mon truc. J’suis pas contre qu’on se salue évidemment pis qu’on se dise qu’il fait beau dehors, mais au risque d’avoir l’air bête, pour moi aller aux toilettes publiques c’est plutôt comme d’aller dans une clinique médicale; j’en retire pas vraiment de plaisir, j’espère y passer le moins de temps possible, pis c’est pas vraiment là que j’envisage de passer du temps en agréable compagnie pis de faire du « small talk ».

Y’a deux situations de ce genre encore plus particulièrement malaisantes pour moi; la première, c’est quelqu’un qui vient se poster à l’urinoir d’à côté, qui commence à me jaser, mais surtout que je sens qu’il cherche mon regard des yeux...  il espère que je soutiennes son regard pendant qu’il jase. Il fait du « Eye Contact » d’urinoir. Comment j’te dirais bien ça, man…. Tu peux me parler si ça peut vraiment pas attendre, mais attends-toi pas trop à ce que je te regarde dans le blanc des yeux. Regarde le mur ou ton jet SVP. Parles-moi comme si on était au téléphone pis qu’on se voyait pas, tsé? J’sais pas si j’ai la vessie timide, mais de regarder autre chose que mon jet ça me force à me concentrer doublement, pis j’ai ben d’la misère à me lâcher lousse. Je dois visualiser beaucoup d’eau qui tombe, genre les chutes du Niagara tsé, bref ça devient crissement compliqué.

La deuxième, et franchement la pire, c’est quelqu’un qui te croise en entrant, qui se mets à te jaser, et qui, bordel, continue à te parler même après que tu sois entré dans la cabine à numéro deux! Surtout si y’a d’autres portes de cabines déjà fermées, et que tu sais que ça devient comme une discussion de groupe non désirée! Dès que je suis entré dans la p’tite cabine, considère que le son ne passe plus de l’autre côté, même si tu vois encore mes souliers. Dis-toi que j’ai été téléporté au pays imaginaire ou à bord de l’Entreprise, quelque chose du genre. On se rappelle pis on prend un café pour finir la discussion mon chum…

Parlant des souliers, et parce que notre mémoire a l’étonnante faculté d’associer des images et des sons, avouons que y’a rien de plus plate quand t’es dans une cabine, que t’entends les trompettes de la cinquième symphonie dans la cabine d’à côté, et que, sans trop le vouloir, tu regardes du coin de l’œil dans le bas du « pas de mur » et tu reconnais les souliers, hein?! Trop tard, t’en a trop vu. Tu voudrais bien faire « undo » mais tu ne peux pas. Tu sais que tu pas toujours te rappeler de ce son là quand tu vas voir la face qui va avec les souliers.

Autre accessoire de malaise dans la salle de bain publique: le maudit séchoir à mains. Faut savoir qu’au boulot maintenant, on a un long comptoir avec trois éviers, mais aucun papier pour s’essuyer les mains, et un seul super méga séchoir, ceux du genre qu’ils se servent comme propulseur pour les Boeing. Faites le compte comme vous voudrez, on arrive en dessous dans le ratio potentiel de mains à sécher en même temps vs la capacité de séchage. Si le séchoir est déjà pris, t’as donc le choix entre t’essuyer sur tes pantalons, et garder une belle humidité une partie de l’après-midi le long des jambes, ou bien de te mettre en ligne pour le séchoir. Quand tu es seul dans la salle, y’a pas trouble, tu te gâtes côté séchage, tu sèches tes mains comme s’il n’y avait pas de lendemain, jusqu’à ce qu’elles soient parfaitement « chèches ». Par contre, quand y’a deux ou trois personnes qui se lavent les mains en même temps, là ça devient plutôt bizarre; le plus rapide côté lavage (donc le moins exigeant côté propreté?) s’installe au séchoir en premier, et les deux autres n’ont d’autre choix que d’utiliser la technique de la « simulation » : tu continues de faire semblant de te laver les mains bien à fond pour étirer le temps, même si elle sont déjà trop bien rincées, parce que sinon t’as l’air con de te mettre en ligne derrière le séchoir, avec les mains qui dégoutent sur le plancher, ce qui mets de la pression sur le premier qui, lui, vit le supplice de l’eau sur les mains qui sèche pas. Non mais c’est vrai : avec ces séchoirs-là, tes mains restent mouillées, mouillées, encore mouillées, encore un peu mouillées, pis un moment donnée, alors que tu commences à ne plus y croire, paf! Elles sont sèches!

Autre problème relié au séchoir : le son beaucoup trop intense. Si quelqu’un a le malheur de se mettre à te jaser tout juste au moment où tu finis de te laver les mains et tout juste avant que tu pèses sur le piton du séchoir, c’est comme malaisant de partir le dit séchoir, parce que tu sais que tu vas enterrer ton interlocuteur tellement c’est bruyant c’te patante-là, ce qui revient à lui couper la parole. Ça fait que tu restes là à écouter, l’air niaiseux, les mains mouillées en l’air, comme un chirurgien qui s’en va faire une opération.

L’absence de bruit de séchoir aussi peut cependant aussi créer un certain malaise. Quand t’es à l’urinoir, ou dans une cabine, et que t’entend quelqu’un sortir d’une des cabines et franchir directement la porte de sortie sans passer au lavabo pis au séchoir, tu sais très bien que y’a une couple de germes qui viennent de se faufiler dans le couloir. Le pire dans ce genre de cas? C’est si t’as préalablement reconnu les criss de souliers du coin de l’œil!

18 décembre 2015

Muslix After Hour

Y'a deux jours je r'venais d'un petit party de noël ben sympathique dans un pub entre collègues, et y'étais environ 22h. Je venais de me taper une heure d'autobus et de transit, j'avais froid et j'étais fatigué. J'avais aussi surtout faim parce que je j'avais pas avalé grand chose depuis un bon moment.

Je rentre donc chez moi, et évidemment tout le monde est couché. Je me dirige vers la cuisine en catimini avec l'intention de me faire un p'tit goûter avant le dodo. Je cherche un peu et, ne voulant pas faire de bruit, je finis par me résigner à enligner la tablette des céréales; un classique. Je tasse les céréales pour enfants, du genre Froot Loops, Mini-Wheats et Rice Crispies de noël, et me rend compte que le seule choix potable qui me reste, c'est des superbes "Muslix Croustade de pomme". Hé ciboire...

Quelle esti de fin de soirée poche, hein?! Me voilà en bobette, pis pas mes plus belles en plus, tout seul dans ma cuisine, dans la presque obscurité, à manger mon bol de céréales. Un beau grand criss de bol de graines molles. Parce que des Muslix ça l'air croquant comme d'la gravelle quand ça sort d'la boîte, mais hé que ça reste pas dure trop longtemps une fois que t'as mis du lait dedans!  Pis ça absorbe c't'affaire là! D'la vraie litière... La première tasse de lait que j'ai versée, et que je voyais très bien, a complètement disparu en dix secondes toé. J'me suis dit "criss, y'a un trou dans l'bol esti". J'ai regardé  en dessous, rien pantoute. J'ai donc mis une deuxième tasse de lait, pis là ça flottait pas pire. Une genre de texture de vomi, tsé. Mou mais consistant; des valeurs qui me tiennent à coeur.

Pour me changer les idées, j'me suis mis à lire ce qu'il y avait d'écrit sur la boîte. Criss, c'était pas mieux. Juste des informations nutritionnelles vantant le mérite des fibres qui me laissait sous-entendre que j'allais chier mou le lendemain matin. De mieux en mieux... Et c'est là que j'suis  tombé sur une information cruciale. Ce p'tit criss de bol de bouette là allait me fournir 40% de ma portion quotidienne recommandée de manganèse. C'est quoi ça, du manganèse tabarnack? Quessé que ça me donne de savoir ça? Y'a tu déjà quelqu'un qui s'est fait dire qu'il manquait de manganèse? Moi j'suis sûre que c'est une joke d'initiation dans le labo de recherche; les plus vieux ont demandé à un nouveau d'analyser ça, pis la gang était plié en deux quand y'ont lu ça sur la boite le lendemain. L'équivalent en audiovisuel de demander au stagiaire d'aller te chercher une boîte de "color bars" dans l'entrepôt.

Pis tsé, j'sais pas où est-ce qu'ils ont mis la croustade au pommes dans la boîte, parce que ca goûtait juste le foin pis les noix. Des fibres avec d'la texture. Tsé, d'la croustade aux pommes dans ma tête ça vient avec d'la chaleur pis du bonheur. Là, à mesure que je mangeais, grelottant en sous-vêtements, je déprimais et j'remettais tout mon système de valeurs en question. J'me disais qu'à ce moment précis, dans tout l'univers, y'avait surement personne d'autre d'aussi malheureux de manger.


16 décembre 2015

Devil's Food et camion de pompier



Me r'voilà tu pas à l'épicerie toé par un beau samedi après-midi. Rien de mieux à faire visiblement, y fait frette pis y'a pas de neige. Tsé quand t'as une vie sociale bien remplie... J'ai même passé la tondeuse sur les feuilles mortes que j'avais pas encore ramassé, question de prendre l'air pis de faire la job que j'étais trop lâche pour faire cet automne. Elle était tout folle d'aller faire un tour sur la pelouse dehors en décembre. J'parle évidemment de la tondeuse, pas de ma blonde. Ça faisait drôle de passer la tondeuse avec ma tuque, c'est une première. J'avoue que j'aime ça, le bruit des feuilles séchées qui se déchiquettent sous la tondeuse. C'est écologique et violent, des valeurs qui me tiennent bien à coeur. 

Au centre d'achat, c'est la folie des fêtes, donc pas trop invitant tellement y'a du monde, sauf si t'as vraiment envi de tester ta patience. Aussi bien aller faire l'épicerie, que j'me suis dis. D'ailleurs, je commence à m'y sentir comme dans ma deuxième maison, tellement j'y passe du temps et que j'y dépense de l'argent. D'ailleurs, l'autre jour, dans la salle de bain près des caisses, j'ai laissé ma brosse à dent.

Pour une fois, dans l'épicerie, rien d'étrange à signaler. Même pas de musique de noël. La Sainte-Paix. Par contre, y'a des comptoirs de dégustations avec des vieilles madames au quart de tour, pis y'a des clients qui se bourre la face solide. Le plus drôle c'est de voir les tout croches en "patalon de jogging" goûter les bouchées de rillette de confit de canard sur des biscuits Bretons, et faire semblant de réfléchir à savoir si c'est vraiment assez bon pour en acheter en sachant que c'est trop cher, pis finir par s'en aller avec un paquet de "baloné au cerises" pris dans le comptoir juste à côté.

Je fais donc mes p'tites affaires, j'remplis mon panier tranquillement. J'arrive un moment donné dans une des allées les plus étranges, soit celle de la sauce à spag, du thon en canne pis des mélanges à muffin; toutes des affaires qui ont rien à voir ensemble. J'arrive donc près des trucs à dessert, pis j'me dis que ça serait bon un beau gâteau au chocolat. Je mets mon panier sur le park, en face des assiettes d'aluminium où y’a jamais personne, et je m'installe pour prendre mon mélange à gâteau.  Juste comme je tends la main vers un paquet, je réalise alors que ça va être légèrement plus compliqué que prévu.

Non mais y'en as-tu des crisses de sortes de mélange à gâteau au chocolat?!  Y'a le "Devil's Food", le "Dark Chocolat Fudge", le Milk Chocolat, le Swiss Chocolat, le German Chocolat, le Gluten Free, le Super Moist Chocolat, le Super Moist fondant au chocolat, et sans oublier, le Super Moist Triple Chocolat Fudge.
Non mais pourquoi autant de choix? Me semble qu'un bon gâteau au chocolat, ça devrait tout le temps goûter pas mal pareil, non? Genre, je sais pas moi, le chocolat? C'est quoi l'esti de différence entre du Super Moist fondant et du triple fondant!? À quel point a-t-on besoin que ce soit si fondant? J'imagine que vous allez dire que ça dépend, que y'a un type de gâteau pour chaque type de personnalité. Mais si c'est ça, je fais comment moi pour savoir quel osti de gâteau match avec ma personnalité à moi? Pis là, ça m'a frappé de plein fouet; c'est quoi au juste, "ma" personnalité? Qui suis-je? Qui deviens-je? Où vais-je je?

C'est pas mêlant, j'ai tilté. J'ai cassé. Mon cerveau a pogné un blue screen, pis le reboot a parti tout seul. J'pourrais pas dire combien de temps j'suis resté là à fixer les estis paquets de mix à gâteau. J'suis revenu à moi parce qu'une madame s'excusait pour pouvoir passer dans l'allée avec son gros criss de panier modifié en char de pompier, avec ses deux enfants assis en-dessous sur un rush de dégustations de beignets qui tapaient sur leur stearings pour essayer de faire crier le klaxon défoncé ben raide depuis 1982. Belle invention de marde ces paniers-là by the way; à notre IGA y'en a un rouge, un bleu pis un vert.  Je me souviens que quand les gosses étaient petits, la chicane pognait tout le temps à peine entrés dans l'épicerie pour savoir quelle criss de couleur de panier on allait choisir. En plus d'la guerre parce que y'avait toujours un des deux criss de stearings de pété. Pis ça faisait pas deux minutes qu'on était entrés qu'ils débarquaient pis je me promenais seul avec le truck de pompier, ayant l'air d'un imbécile qui s'ennuie de ses Hot Wheels.

Finalement, pour revenir à notre histoire, j'ai jamais réussi à choisir mon gâteau, j'étais trop angoissé. Qu'a mange d'la marde, Betty Crocker! J'ai fini par me pogner une tarte au citron toute faite dans le rayon des surgelés. D'la croûte dure, du pouding au citron fluo pis d'la meringue qui a l'air du plastique. Simple et chimique; des valeurs qui me tiennent bien à coeur.

7 décembre 2015

Les trois fantômes de Noël au IGA

M'en allant à l'épicerie de bon matin, j'écoutais du bon gros rock sale, le cœur léger. Le ciel était gris mais l'humeur était quand même là. Quelques minutes et deux lumières rouges plus tard, j'me stationne près du rangement à panier comme d'habitude; c'est mon "sweet spot". Je mets ça sur le park, je sors mes sacs d'épicerie, et me dirige clopin-clopant vers le hall d'entrée. Un vrai gai-luron, tsé... Les portes automatiques s'ouvrent de chaque côté, je fais deux pas vers l'intérieur et paf! Mon monde s'écroule.

Évidemment ces temps-ci c'est le retour de la musique de noël dans les magasins et épiceries. Sauf au Dépanneur Mon Ami, à quelques coins de rue de chez moi; le proprio, Monsieur Bow, et sa douce moitié, madame Ling (hé hé), n'ont jamais l'air trop dérangé par notre temps des fêtes. Mais ce qui me frappe de plein fouet ce matin en entrant à l'épicerie, c'est pas la musique habituelle du CD de tounes de noël en vente dans tous les bons Rossy. Ne non; ils ont sorti le gros kit à matin, y'ont décidé de nous gâter solide: ce que j'entends, c'est du violon. Beaucoup trop de violons. En fait, y'a tout l'Orchestre des p'tits Violonneux de Saint-Ciboire, avec leurs tuques blanches pis leurs chandails rouges, venus nous réciter, à mon grand désespoir, les classiques du temps des fêtes au violon. Cibole.

J'ai rien contre le violon comme tel, c'est un bel instrument noble et rustique. Mais le violon du style "j'ai commencé mon cours en septembre pis là je me produis devant le public du IGA pris en otage", c'est autre chose. Pis c'est pas comme pour le p'tit vieux avec le chapeau croche qui vend des épinglettes de l'Armée du Salut à la sortie de la place, avec qui le malaise est vite passé. Là, je savais que j'en avais pour un bon vingt minutes à remplir mon panier tout en écoutant un massacre de nos classiques des fêtes joués un demi temps trop lent.

Le temps que je fasse la section des fruits, des croissants, des charcuteries pis l'allée des boulettes de viandes congelées, je m'étais déjà tapé "Frosty the Snowman", "Jingle Bell Rock", "Le sentier de neige", pis la toune que t'as le goût d'entendre juste le matin de noël, pas avant ni après, "Joyeux Noël et Bonne année".

Tout d'un coup, silence, ça s'arrête. Y prennent un break? Yé! Juste comme je commence à penser que je vais être bon pour finir mon épicerie tranquille pis que je m'enligne vers l'allée des pains et céréales, ça se met à applaudir toé. Un torrent d'applaudissements à tout rompre. La foule en délire. Criss, arrêtez-moi ça tout de suite bande de clowns, ça va les encourager pis ils vont recommencer les petits maudits! Comme de fait; ça fait pas 5 secondes pis les Petits Violons Désajustés de Sainte-Perpétue repartent ça rien que sur une gosse avec "Vive le vent" dans le tapis. Pis le plus beau, c'est que y'en a un dans la gang à qui y'ont donné une cymbale pour imiter des grelots, pis y doit être content en criss parce que y'a swingue sa cymbale toé! Hé monsieur... On a pu l'impression d'être en carriole dans les vallées enneigées; là on descend l'Everest sur une luge pas de breaks avec les grelots d'la tuque qui revolent aux quatre vents!

Deux minutes passent, le temps que je me rende dans le coin des chips, pis la toune finie. La même bande de zouaves applaudissent, mais là en plus j'croise tu pas une maman qui essaie de faire taper des mains son p'tit mousse de quelques mois assis en avant du panier pis d'y faire dire "encore", alors que visiblement tout ce qu'il sait faire c'est de baver sur le barreau du panier pour se faire les dents. Belle cruche...

J'finis quand même par compléter ma liste d'épicerie dans la joie et l'allégresse, puis je passe à la caisse, la tête remplie de cantiques pis d'un peu d'agressivité passive dans mon coeur. Une fois le tout payé, je quitte vers la sortie, pis je vois tu pas deux grandes ados qui tiennent des canisses pour ramasser du change pour la Fondation des Violons malheureux de St-Jean des Misères. Je réalise à ce moment que non seulement j'ai enduré le supplice pendant vingt minutes, mais je vais devoir payer en plus pour le show. Pis pour s'assurer que tu vas donner, ils ont mis la plus mignonne de la gang des violoneux juste à côté de la porte, avec sa tuque de noël pis ses tresses qui dépassent. Résigné à mon sort, je sors mon portefeuille et je réalise qu'il me reste juste un dollars, parce ce que je paye toujours avec mes cartes. Je passe donc devant les filles, je mets ma grosse piastre de cheap dans le trou de la canisse qui en tombant tout au fond résonne magnifiquement pour indiquer à tout le monde aux alentours que j'ai crissement pas été très généreux, et je sors enfin, en regardant par terre, pour regagner ma voiture, plus pauvre et mélancolique.

Une fois le stock rangé et assis derrière mon volant, je réalise alors que contrairement au Ebenezer Scrooge de Charles Dickens, j'ai commencé la journée heureux et serein, pis que là, grâce à l'Esprit de noël, je suis assis dans mon char, je file cheap et j'ai le cœur amer. Maudits violons à marde!